Culte de la performance et de la standardisation, au Québec

Jeune homme aux yeux maquillés en noir, avec cheveux frisés blonds

Anxiété de performance et exigences élevées à l’école comme au travail

“Brûler la chandelle par les deux bouts”, “courir après sa queue” ou “comme une poule pas de tête” sont autant d’expressions qui peuvent signifier “s’imposer un rythme qui n’est pas le sien” et de là, s’essouffler. S’essouffler à force d’essayer de suivre le courant infernal de l'”instantané”. Du “tout de suite et pas demain matin”. Et dans quel but? Pour être aimé et reconnu, le plus souvent. À quel prix? Malheureusement au prix de sa santé mentale et physique.

Dans quelles circonstances faisons-nous cela et nous essoufflons-nous ainsi pour plaire, par exemples? Cela peut être, pour certaines personnes, dans tous les contextes imaginables de leur vie (au travail, à la maison, en famille, entre amis, etc.), mais plus particulièrement, et il en sera question ici, dans le cadre de leur emploi. Vouloir répondre aux exigences patronales et s’encombrer d’échéances déraisonnables, vouloir atteindre le bonus de fin d’année ou son objectif fixé en début d’année, être le meilleur, le premier, le préféré…Réussir à l’évaluation constante qui prévaut désormais dans la plupart des milieux professionnels, où le rendement est le mot d’ordre et où la performance, voire l’excellence, sont devenus la norme et non plus seulement un idéal à atteindre.

Burnout et épuisement professionnel: la santé mentale qui s’étiole par le travail acharné

Dans un tel cas, avoir l’impression de ne jamais être à la hauteur ou ne jamais en faire suffisamment ou assez vite, au quotidien, cela peut devenir très lourd et être par le fait même, lourd de conséquences pour sa santé. D’abord, le stress qui s’installe, l’adrénaline, et ensuite l’anxiété, soit l’angoisse et l’impression que quelque chose nous échappe et qu’on n’y arrivera pas. Finalement, à bout de souffle, arrive l’épuisement; le fameux burnout. Ce terme, qui désormais n’a plus de secret pour personne. Nous connaissons tous quelqu’un ou quelqu’un qui connaît quelqu’un qui aurait quitté le travail un jour, parce qu’il s’est surmené. Il a poussé trop fort “la machine” et tout a lâché. Il a dû, de force, s’arrêter un moment et prendre le recul nécessaire pour récupérer ses énergies et questionner sa façon d’agir au travail, sans quoi le retour à l’emploi mènerait une fois de plus au même résultat. Comme le disait Sénèque : “À quoi sert de voyager si tu t’emmènes avec toi ? C’est d’âme qu’il faut changer, non de climat.” C’est donc accepter de revoir son rythme et ses valeurs, même, dans certains cas. Reprendre position pour mieux se maintenir à flot, lors d’un prochain élan. Au final, c’est changer de perspective, non seulement juste d’emploi.

L’épuisement professionnel est l’une des nombreuses conséquences dérivées du culte de la performance, de l’évaluation et de la compétition, qui ne cesse de faire des victimes au Québec et dans les sociétés occidentales contemporaines semblables. Mais d’où cela part-il donc? L’objectif n’est pas de trouver à qui revient la faute, mais nous pouvons imaginer quels pourraient être les coupables.

Évaluation, compétition, performance. Tous des termes que nous avons certainement entendus pour la première fois lors de notre “tendre” enfance, que ce soit à l’aube d’un contrôle de maths, d’une joute de hockey ou d’une prestation de patinage artistique. Et pour être reconnu par nos pairs, soient nos parents et amis, notre professeur ou notre entraîneur, nous avons tout donné. Et parfois, voire souvent, ça n’aura pas été suffisant. On nous a alors écarté des rangs, nous retournant comme message que nous avons, autrement dit, “échoué”; qu’on n’a pas été à la hauteur et qu’il faudra en faire plus, la prochaine fois. Alors vient ce jour où obtenir 88% lors d’un contrôle de maths, ce n’est pas suffisant. Ce n’est plus satisfaisant. On est déçu de soi-même et cela même si les autres tentent de nous convaincre du contraire. Porter le fardeau de la performance, ça commence jeune. Et le burnout infantile, ça existe, désormais…

Questionner les standards associés à la réussite éducative et professionnelle

Il serait alors aujourd’hui temps de questionner nos standards sociaux liés à ce qu’est la réussite, qui prévalent partout (dans les établissements d’enseignement scolaire, les milieux professionnels, à la maison, etc.) et de considérer davantage la différence et la couleur de chaque individu. Considérer davantage, dorénavant, que chacun a un rythme bien à lui, des caractéristiques et des capacités qui le distinguent de son voisin et que tous n’ont pas la même chance, voire les mêmes dispositions face aux mêmes défis à relever (et qu’on s’en réjouisse, enfin!). La standardisation tue la créativité de nos jeunes et leur capacité à se déployer et à devenir des adultes fiers et accomplis, qui une fois arrivés sur le marché du travail, savent de quoi ils sont capables et qui ils sont, surtout. D’adolescents reconnus et aimés pour ce qu’ils sont, nous pouvons encore rêver que nos enfants et futurs petits enfants deviennent des professionnels qui s’estiment dans leurs forces comme dans leurs faiblesses, puisque c’est ça, la vie! Pour cela, il est encore temps de changer notre vision du monde et de la réussite. Notre opinion quant à ce qui est supposé être bien ou mal. Nos croyances, nos principes erronés.

Il est encore temps de mettre fin au taux croissant de troubles anxieux, au Québec. Au taux de suicide trop élevé qui en découle. À la dépression. Il est encore temps de changer le regard désobligeant que l’on porte sur la tenue “hors du commun” que décide d’arborer, un soir de gala, une artiste de talent bien de chez nous ou de changer notre façon de porter notre jugement sur ce que sont ou ne sont pas les autres. Il est encore temps de se regarder soi-même et d’apprécier la personne que nous sommes devenue ou de se dire que nous acceptons qui elle est devenue, malgré les épreuves traversées. Il est encore temps de se donner à soi, la “tape dans le dos” que nous aurions toujours rêvé recevoir de notre papa, enfant. De se donner le courage d’être soi, pleinement. De s’aimer. De s’aimer vraiment. Il est encore temps.

Se comparer et être comparé est l’une des choses les plus toxiques, dans ce monde. S’imposer un rythme qui n’est pas le sien mène à un mur. De plus, il n’a pas été prouvé que travailler énormément menait à une plus grande productivité puisqu’au final, tout un chacun a ses limites et les atteint, tôt ou tard.

Semaine québécoise de l’orientation scolaire et professionnelle

Débutait aujourd’hui la semaine québécoise de l’orientation. Les conseillers en orientation sont des professionnels habiletés pour aider et accompagner la personne ayant une difficulté à se maintenir professionnellement dû au surmenage, au stress constant ou à l’anxiété que lui génère son emploi. N’hésitez pas à référer leurs services ou à vous tourner personnellement vers l’un d’eux si vous sortez d’un épuisement professionnel ou croyez en être atteint actuellement. L’anxiété et la dépression pouvant résulter d’un surmenage au travail, cela peut affecter notre rapport au travail et le sens qu’on lui accordera, par la suite. Ce n’est pas banal.

Bonne semaine québécoise de l’orientation et prenez soin de vous et des gens qui vous entourent, au travail comme ailleurs dans votre vie! On n’en a qu’une. Travaillons ensemble à ce qu’elle soit plus légère et moins encombrée par le stress et l’anxiété, ombres sombres de notre société de la perfection et de la performance. Et rappelons-nous qu’il est encore temps. Encore temps d’apprendre à s’aimer et à être soi, sans entrave, ni honte aucune…

Geneviève Phaneuf, c.o.

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